Myriam Lévesque
Le projet de tramway de la Ville de Québec était d’une grande importance dans le cadre des dernières élections municipales et provinciales. Bien que le projet semblait autrefois excitant, innovateur et écologique, il semblerait qu’il se soit transformé en un projet complexe, incertain et problématique au fil des années. Depuis, ce projet est définitivement devenu un sujet de discorde entre les différents acteurs et paliers du gouvernement. Mais pourquoi? Qu’en est-il de ce projet aujourd’hui?
La mobilité durable et la nécessité d’un réseau de transport en commun structurant
Depuis plus d’une décennie, les dirigeants de la Ville de Québec se questionnent sur les enjeux de mobilité durable auxquels elle devra faire face dans un futur proche. Dès 2009, un groupe de travail sur la mobilité durable est organisé et le Plan de mobilité durable est adopté en 2011 lors du mandat du maire Régis Labeaume. En effet, la croissance rapide de la ville constitue un enjeu majeur en raison de l’augmentation importante des déplacements. D’ici 2036, on parle d’une hausse de 28 200 ménages et de 100 000 déplacements de plus par jour. Pour maintenir le flux de circulation actuel, il faudrait aménager 11 nouvelles voies de circulation, ce qui est impossible avec l’espace dont la ville dispose. De plus, de nombreux citoyens désirent se déplacer de manière plus efficace et rapide. Présentement, environ 75% des déplacements effectués durant les périodes de congestion se font en automobile. La croissance importante de la population de Québec prévue dans les prochaines années entraine donc l’accroissement du nombre de voitures présentes sur la route et ne réglera visiblement aucun enjeu de mobilité. Une autre solution envisagée est d’augmenter le nombre d’autobus sur la route et la fréquence des trajets. Cependant, l’ajout d’autobus n’est pas une solution viable, car les voies réservées à ces autobus sont déjà saturées, ce qui cause une congestion appelée l’effet train-bus. Ces limites mènent alors inévitablement à la mise en place d’un réseau structurant de transport en commun à Québec.
Le projet du tramway de la Ville de Québec
Suite à l’étude des enjeux sur la mobilité durable réalisée par la Ville, la première solution proposée est celle d’une association entre deux moyens de transport, soit le tramway et le SRB, acronyme du service rapide par bus. Ce projet a finalement été abandonné en 2017 après une étude de faisabilité non concluante. C’est en 2018 que le lancement officiel du projet de réseau structurant de transport en commun de Québec a eu lieu avec le fameux projet de tramway, qui comporte de nombreux bénéfices, plus précisément sur les plans économique et écologique. Par exemple, sur le plan économique, le tramway engendrera une plus grande attractivité de la clientèle touristique, de la main-d’œuvre spécialisée, des citoyens canadiens et des employeurs. Du côté écologique, le tramway, 100% électrique, permettra une diminution importante du nombre de voitures présentes sur la route, ce qui entraînera une baisse considérable de dizaines de tonnes de gaz à effet de serre. De plus, chaque arbre coupé sera remplacé par 20 arbres qui seront ensuite plantés pour assurer la croissance de la forêt urbaine de la ville. Ces mesures entraîneront également une meilleure qualité de l’air dans 13 quartiers de la ville.
Le tracé actuel du tramway compte 19,3 km de long et relie l’avenue Le Gendre à l’avenue d’Estimauville. Le tracé est réparti en 7 secteurs importants: Le Gendre- Quatre-Bourgeois, Roland-Beaudin-Laurier, l’Université Laval, René-Lévesque Ouest, la Colline Parlementaire, Saint-Roch et le Vieux-Limoilou-Maizerets. Ce tracé a été pensé en fonction de la densité de population actuelle et des déplacements les plus fréquents. Le tramway desservirait ainsi les pôles les plus congestionnés et fréquentés par les citoyens de la ville de Québec.
Pourquoi le projet est-il en péril et d’où vient la controverse entourant le projet?
Tout d’abord, il est primordial de comprendre que le projet de tramway est un projet complexe, qui demande beaucoup de temps et d’attention de la part du maire actuel Bruno Marchand. Il faut se rappeler que le projet de tramway est probablement un des plus gros dossiers que la Ville de Québec a eu entre les mains jusqu’à maintenant. Bien que ce projet soit très bénéfique pour la capitale nationale, il est très coûteux et le financement est réparti entre les différents paliers gouvernementaux, ce qui complexifie davantage le mandat de la mairie. Effectivement, le gouvernement fédéral devra investir 40% du montant de la facture, le gouvernement provincial 50% et les 10% restants seront payés par la Ville de Québec selon une entente. Jusqu’à maintenant, la mairie de Québec a signé un contrat de 569 millions de dollars avec la compagnie Alstom pour la construction et l’entretien de 34 rames du tramway pour une durée de 30 ans, le 24 avril dernier. Toutefois, la recherche de consortiums pour la construction des infrastructures du tramway s’est avérée plus ardue que prévu, avec le désistement du consortium Mobilité de la Capitale. Le maire Marchand a donc dû trouver un plan B et celui-ci consiste à ce que la ville s’occupe elle-même du dossier. La controverse provient de l’explosion des coûts de plus du double du dernier montant annoncé. La facture s’élèverait désormais à un montant de 8,4 milliards de dollars. En outre, la position soudainement incertaine du gouvernement caquiste suite à l’annonce du maire sème le doute sur la viabilité du projet pour plusieurs citoyens. Le premier ministre François Legault a d’ailleurs fait part de ses réserves vis-à-vis le projet peu de temps après le point de presse: « Je souhaite avoir un projet », a-t-il affirmé, mais 8,4 milliards de dollars, « c’est cher, très cher. C’est inquiétant ». Quelques jours après, lors d’une rencontre sur le projet de tramway entre le premier ministre François Legault et le maire de Québec Bruno Marchand, les Québécois ont appris que le projet de tramway a été mandaté à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) par le premier ministre. La CDPQ devra réévaluer le projet de tramway et les autres options du réseau de transport en commun structurant de la ville, en partenariat avec le maire. Il s’agit donc d’un recul important, d’un refus du plan B du maire. Une certaine controverse teinte l’événement, car les discussions entre François Legault et la CDPQ ont débuté le 29 octobre 2023, avant même la réunion entre le maire et le premier ministre qui elle a eu lieu le 8 novembre 2023.
Qu’adviendra-t-il des terrains de Rochebelle pris par le tramway?
Malheureusement, le passage du tramway devrait emporter les deux terrains de soccer de l’école, en plus d’une partie du boisé près du complexe sportif. La bonne nouvelle est qu’un réaménagement des espaces sportifs est planifié pour De Rochebelle et le plan devrait bonifier les terrains déjà présents. Le plan comporte l’aménagement de terrains de volleyball et de basketball, d’une piste d’athlétisme synthétique, d’un terrain de football, d’un terrain de soccer et finalement, d’une aire de vie étudiante. La circulation automobile sera également repensée avec la fermeture de la rue Marianna O’Gallagher. D’ailleurs, des trottoirs et une piste cyclable seront ajoutés. Pour finir, malgré le fait que 88 arbres seront coupés pour l’aménagement du projet, 356 nouveaux arbres seront plantés afin de bonifier les espaces verts autour de l’école. Ce projet de réaménagement est évalué à 10,8 M$ au minimum, et le prix pourrait même atteindre 14,6 M$ selon l’entreprise choisie. Cependant, à l’heure actuelle, il est impossible de dire si le plan de réaménagement se mettra en place comme prévu avec le changement de mandat de la CDPQ.
Selon vous, le projet de tramway est-il en péril?
BIBLIOGRAPHIE
Internet
ALSTOM. La Ville de Québec et Alstom dévoilent le design du tramway,
https://www.alstom.com/fr/press-releases-news/2023/6/la-ville-de-quebec-et-alstom-devoilent-le-design-du-tramway, page consultée le 23 novembre 2023.
LE TRAMWAY DE QUÉBEC. Le tramway de Québec,
https://tramwaydequebec.info/, page consultée le 22 novembre 2023.
Articles de journaux extraits d’un site Web
GAGNON, Marc-André. « Tramway: la CAQ veut élaborer le mandat de la CDPQ
avec la Ville », Journal de Québec (15 novembre 2023), [https://www.journaldequebec.com/2023/11/15/tramway-la-caq-veut-elaborer-le-mandat-de-la-cdpq-avec-la-ville], page consultée le 22 novembre 2023.
MARTIN, Stéphanie. « Chantier du tramway: au moins 10,8 M$ pour déplacer les
terrains de sport de l’école secondaire de Rochebelle », Journal de Québec (21 novembre 2023),
[https://www.journaldequebec.com/2023/11/21/tramway–au-moins-108-m-pour-les-terrains-de-rochebelle], page consultée le 23 novembre 2023.
MARTIN, Stéphanie. « Réaménagement complet du campus de Rochebelle pour le
tramway de Québec », Journal de Québec (17 mai 2023),
[https://www.journaldequebec.com/2023/05/17/reamenagement-complet-du-campus-de-rochebelle-pour-le-tramway-de-quebec], page consultée le 23 novembre 2023.
TANGUAY, Sébastien. « Seule pour réaliser le tramway, la Ville de Québec brandit
son plan B », Le Devoir (2 novembre 2023), [https://www.ledevoir.com/politique/ville-de-quebec/801082/ville-quebec-contrainte-faire-cavalier-seul-infrastructures-tramway], page consultée le 23 novembre 2023.
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