Crise en Haïti

Zachary Grandmont

Depuis plusieurs années, les crises en Haïti se multiplient. En effet, l’héritage du colonialisme, en plus des circonstances climatiques et naturelles ont longtemps fait du petit pays un havre de corruption et de pauvreté. La situation, bien que dramatique, n’est devenue critique qu’au courant de la dernière année, ou, suivant l’assassinat du président Jovenel Moise, des gangs criminels lourdement armés ont pris possession d’importantes infrastructures dans la capitale de Port-au-Prince, ou vivent environ un tiers des habitants du pays. Suivant cette attaque, le Premier ministre en fonction, Ariel Henry, a demandé à la communauté internationale d’envoyer une aide militaire afin de mettre fin à la violence, une demande pratiquement jamais vue auparavant.

La situation en bref

En juillet 2021, l’assasinat du du Premier ministre Jovenel Moise donne, semble-t-il, le coup d’envoi au crime organisé du pays, qui prennent, grâce à des armes obtenues sur le marché noir, le contrôle de plusieurs points importants en Haiti, notamment ceux tenant au transport et à la distribution de marchandises. Un régime de terreur s’installe alors, les habitants, souvent déjà très pauvres (avant la crise, Haïti était le seul état d’amérique à être considéré comme un des pays les moins avancés au monde par l’ONU) ont un accès encore plus rare à des ressources essentielles telles que l’eau et la nourriture. De plus, le choléra, que l’on croyait éliminé depuis plusieurs années sur ce territoire a refait surface et, faute d’accès aux infrastructures médicales appropriées, beaucoup de citoyens en sont décédés. Les gangs utilisent aussi la violence physique et sexuelle afin d’intimider les citoyens ou tout simplement parce que la police nationale n’est pas suffisamment nombreuse ou bien équipée pour les arrêter. Les batailles à l’arme à feu sont communes, comme le sont les balles perdues. De plus, ils avaient, pour un temps, le contrôle du centre pétrolier Thor, coupant ainsi une grande partie de la population l’accès à l’énergie. Cela était d’autant plus dramatique car la plupart des habitants n’ont pas accès à un réseau de distribution de l’électricité et remplissent tous leurs besoins énergétiques grâce à des génératrices au pétrole. La structure a depuis été reprise, mais des incidents similaires, comme la fermeture de la quasi-totalité des écoles, ainsi qu’un manque de ressources généralisé, briment toujours la population Haïtienne.

La réponse internationale

En réponse à tous ces problèmes, la communauté internationale n’est pas restée sans rien faire. Plusieurs pays, notamment les États-Unis et le Canada, ont instauré des sanctions d’une ampleur historique aux meneurs des plus grands groupes criminels menaçant présentement la population. Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti, la sanction canadienne, qui vise Jimmy Cherizier, meneur du G9, ainsi que huit autres criminels interdit à tout canadien d’effectuer quelque transaction que ce soit avec ces personnes, en plus de geler leurs avoirs à l’intérieur du pays. Tout séjour au Canada leur serait refusé. Ces mesures ont été saluées à l’international et en Haïti, mais leur impact concret reste à être observé. Plusieurs millions de dollars, 16,5 au moment des sanctions, ont aussi été envoyés afin d’à la fois aider la population à se nourrir et se protéger et afin que le gouvernement puisse enquêter et rétablir l’ordre. Le Canada a aussi annoncé la possibilité de sanctions supplémentaires dans le futur.

Opinions divergentes

Suite à la demande historique du Premier ministre par intérim, l’opinion à la fois dans le pays et à l’extérieur a drastiquement divergé. Pour la plupart des habitants, bien que la plupart sont évidemment favorables à l’aide humanitaire, au vu de leur situation, beaucoup redoutent une intervention de nature militaire. En effet, le petit pays des Antilles a déjà été occupé, dans le dernier siècle seulement, à trois reprises. Lors de la plus récente, la force des casques bleus de l’ONU en 2004 a été accusée d’inconduite sexuelle, en plus d’avoir relâché l’épidémie de Choléra qui cause, encore à ce jour, bien du tort aux Haïtiens. Le gouvernement du Canada, par le député libéral de Bourassa Emmanuel Dubourg, dont la famille est d’origine Haïtienne, a exprimé un sentiment similaire: «Le député libéral de Bourassa a indiqué que les interventions militaires dans le passé ont permis de rétablir l’ordre pendant un certain temps, mais que la situation s’est de nouveau détériorée après le départ des soldats en raison de la fragilité des institutions en Haïti». D’autres citoyens ont aussi demandé une réduction du trafic d’armes avec Haïti, ainsi qu’un meilleur équipement pour leurs propres forces. Il est aussi important de considérer leur climat politique actuel, résultant d’une succession de gouvernements instables suite à l’exil du dictateur Jean-Claude Duvalier en 1986. Jovenel Moïse, bien que généralement apprécié de la population, avait été accusé de ne pas avoir réellement gagné les élections par ses opposants. Même l’actuel dirigeant du pays n’a pas été élu, mais a pris le pouvoir en situation de crise à la mort du précédent premier ministre. La tenue d’élections libres depuis aurait été difficile, sinon impossible, mais son autorité n’est pas reconnue par beaucoup d’Haïtiens, pas seulement par les criminels.

Les propositions

Après la demande du gouvernement Haitien, deux projets ont été proposés par les États-Unis et le Mexique, dont un aux Nations-Unies. La première, souvent jugée comme plus  »raisonnable » par les différents acteurs, propose une force d’action rapide dont l’objectif premier serait de permettre à l’aide humanitaire d’atteindre et de profiter à ceux qui en ont réellement besoin, ainsi que de servir de tactique d’intimidation dans le but avoué d’apeurer suffisament les criminels afin qu’ils se rendent. Une forme de réintégration pacifique, ainsi qu’un pardon leur serait proposé. C’est à propos du second projet que le Canada reçoit davantage de pressions de ses partenaires économiques et stratégiques. En effet, cette option consiste en une force policière et militaire non-onusienne, menée par un pays d’Amérique en renfort aux forces de police locales. Les États-Unis, ayant très souvent affecté la politique intérieure d’Haïti, ne se sont pas portés volontaires afin de mener une telle opération, mais à la fois le Canada et le Venezuela ont étés considérés.

Conclusion

La situation, même après plus d’un an de quasi-anarchie, ne s’est pas simplifiée. La possibilité d’une intervention armée plane toujours, sans réel développement. Malgré cela, le temps joue en la faveur de ceux qui souhaiteraient y envoyer une force militaire. Plus les citoyens ont à souffrir sous le joug des criminels, plus ils souhaitent une fin rapide à ces tragiques évènements. Certains haut-placés Haitiens s’inquiètent cependant aussi pour la sécurité de du groupe envoyé, la situation à laquelle ils seraient confrontés étant bien peu orthodoxe: «Il s’est également inquiété de la situation que rencontrerait une force de sécurité internationale, qui ne serait pas confrontée à une armée conventionnelle, mais à des  »gangs, situés dans des zones pauvres et qui utilisent la population comme bouclier pour se protéger »». La situation humanitaire, cependant, ne démontre aucun signe d’amélioration, les multiples groupes criminels ayant plutôt gagné en puissance et en nombre alors que de plus en plus de citoyens sont forcés de les rejoindre par peur ou nécessité, n’ayant pas eux-même accès aux ressources. D’un point de vue économique, un ralentissement général de l’économie déjà fragile du pays a été observé, étant même un des points principaux du document gouvernemental demandant une action militaire qui craignait une «asphyxie complète de l’économie nationale». Le gouvernement canadien n’a pas renoncé à l’idée d’envoyer des troupes, à certaines conditions: «Il veut cependant se faire rassurant quant au spectre d’une potentielle intervention militaire canadienne, affirmant qu’il n’y en aura pas tant qu’il n’y aura pas de consensus politique et populaire clair en Haïti». De telles mesures s’inscrivent aussi à la liste de tensions internationales interventionnistes, grandement amplifiées par le conflit russo-ukrainien. Même si elles devaient être mises en place, de telles actions ne devraient cependant être qu’un prélude à une longue reconstruction, ainsi qu’à l’élimination des problèmes à la source, sinon quoi une autre intervention sera inévitablement nécessaire dans le futur.

Bibliographie

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2. David BEAUCHAMP et Lucie FERRÉ. «Crise en Haiti: vers une intervention militaire», Métro (22 novembre 2022), [https://journalmetro.com/actualites/2952559/crise-en-haiti-vers-une-intervention-militaire/], page consultée le 22 février 2023.

3. Danica COTO et Evens SANON. «Haiti demande une ‘’assistance internationale’’», La Presse (7 octobre 2022), [https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2022-10-07/crise-de-securite/haiti-demande-une-assistance-internationale.php], page consultée le 24 février 2023.

4. GOUVERNEMENT DU CANADA. Les sanctions canadiennes liées à Haiti (15 février 2023), [https://www.international.gc.ca/world-monde/international_relations-relations_internationales/sanctions/haiti.aspx?lang=fra], page consultée le 17 février 2023.

5. INTERNATIONAL CRISIS GROUP. Dernier recours en Haiti: La perspective d’une intervention étrangère (14 décembre 2022), [https://www.crisisgroup.org/fr/latin-america-caribbean/haiti/b048-haitis-last-resort-gangs-and-prospect-foreign-intervention], page consultée le 24 mars 2023.

6. KITROEFF, Natalie. «Gang violence cripples Haiti’s fight againt cholera», New York Times (29 novembre 2022), [https://www.nytimes.com/2022/11/19/world/americas/haiti-cholera-gang-violence.html], page consultée le 17 février 2023.

7. RADIO-CANADA. Cinq choses à savoir sur Haiti (8 juillet 2021), [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1807390/haiti-politique-economie-violence-resume], page consultée le 17 février 2023.

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