Un petit pas pour la femme, un bond de géant pour l’humanité !

Marianne Provost et Emma Leblond-Beauchesne

Depuis des siècles déjà, de nombreuses militantes féministes luttent au quotidien pour la reconnaissance de leurs droits. En l’honneur de la journée internationale des femmes, le 8 mars, voici quatre courtes biographies de féministes québécoises qui méritent notre attention.

Dorimène Desjardins (1858-1932)

Dorimène Desjardins a été élevée dans une famille malchanceuse comme tant d’autres. En effet, 2 de ses frères sont décédés au cours de leur enfance à cause des nombreuses épidémies qui sévissaient à l’époque. Toutefois, le destin qui attendait Dorimène était différent. Dorimène est une femme brillante. Elle complète ses études au couvent de Notre-Dame-de-Toutes-Grâces, à Lévis. Ensuite elle épouse Alphonse Desjardins. Peu de temps après avoir accueilli leur 10ème enfant, le mari de Dorimène décroche un poste de sténographe au parlement d’Ottawa. Au grand désarroi de Dorimène, le nouveau boulot de son époux le force à s’éloigner de plus en plus de sa famille. Pendant que son mari tape des symboles sur sa machine à écrire, sa femme se retrouve seule avec sa famille et les finances de la maison. Elle gère le tout avec brio.

Le 6 décembre 1900, Alphonse et Dorimène fondent ensemble la toute première caisse populaire de l’Amérique du Nord connue sous le nom de Caisse Populaire de Lévis. Cette caisse est en quelque sorte l’ancêtre des Caisses Desjardins. Grâce à celle-ci, les Québécois auront dorénavant leur compte bancaire. Cependant, dû à l’absence d’employés et de son mari, Dorimène gère elle-même leurs 163 caisses pendant des années sans toutefois bénéficier de la reconnaissance qu’elle méritait. En effet, Dorimène travaille dans l’ombre de son mari. Elle s’exécute au nom d’Alphonse avec pour seule gratitude un piètre salaire largement insuffisant par rapport à la tâche exécutée. Rapidement, cette femme en inspire d’autres. Dorimène envoie un message de persévérance et incite d’autres femmes à travailler même si ce n’est point valorisé à l’époque.

Marie Lacoste Gérin-Lajoie (1867-1945)

Marie Lacoste a porté plusieurs chapeaux au cours de son existence, notamment ceux d’auteure, de militante féministe, d’éducatrice et de maman. Issue d’une famille favorisée et investie intellectuellement, Marie n’a pas eu d’autre choix que de s’instruire par elle-même après avoir réalisé ses études au Couvent d’Hochelaga, et ce à 15 ans seulement. À cette époque, le parcours scolaire s’arrête pour la plupart des femmes puisque la totalité des universités francophones catholiques n’accueillent que les hommes.

Elle puise tout son savoir dans les livres de la bibliothèque de son père, Alexandre Lacoste, avocat et professeur de droit très réputé. Dans ces années, une loi familiale décrète que l’homme est chargé de sa famille et que lui seul peut prendre les décisions qui la concerne. Marie a envie de progresser. Elle milite pour la Commission des droits civils de la femme au Québec avec acharnement. En 1931, elle parvient à faire modifier un article du Code civil du Québec. Les femmes qui ont un emploi disposeront désormais librement de leur paie.

De 1902 à 1932, elle publie son Traité de droit usuel et les trois éditions suivantes. Ses livres connaissent un vif succès auprès des dirigeants politiques, des écoles et des groupes de féministes. En 1908, elle cofonde l’École d’enseignement supérieur. En 1907, accompagnée de Caroline Dessaulles-Béiques, Marie fonde également la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, un organisme qui représente les associations féministes. La militante est à la tête de l’organisme pendant 20 ans où elle enseigne aux femmes leur véritable place au sein de la société. Marie et sa fédération sont les pionnières de la milice pour le droit de vote des femmes au Québec, droit qui sera acquis en 1940. De nos jours, Marie Lacoste Gérin-Lajoie est reconnue comme l’une des premières féministes du Québec. Elle aura permis des avancées incontestables pour le droit de la femme au sein de la famille, de l’éducation et pour sa place dans le domaine professionnel.

Aujourd’hui, une salle de concert à l’Université du Québec porte son nom. En 2019, le ministère de la Culture et des Communications du Québec l’a qualifiée de personnage historique en l’honneur de tous les exploits qu’elle a accomplis. Marie a également élevé un petit prodige, sa fille Marie, baptisée du même nom que sa mère. Elle est la première femme diplômée détentrice d’un baccalauréat des arts au Québec. Cette femme a gradué à l’École d’enseignement supérieur, fondée auparavant par sa mère. Bref, ce duo mère- fille mérite grandement d’être honoré pour toutes les luttes qu’elles auront achevées et gagnées.

Irma LeVasseur (1877 – 1964)

Fille unique de Nazaire LeVasseur et Phédora Venner, Irma Levasseur naît le 20 janvier 1877. Dans son enfance, Irma voit mourir un de ses jeunes frère. Cet évènement marquant a sans doute eu un impact sur son futur, la poussant à devenir la première femme médecin canadienne-française et la fondatrice des hôpitaux Sainte-Justine de Montréal et l’Enfant-Jésus de Québec.

À 17 ans, elle s’inscrit à l’École de médecine de l’Université Saint-Paul au Minnesota où elle obtient son diplôme en 1900. Alors qu’elle vient à peine d’obtenir son droit de pratique dans sa province natale, faveur allouée par l’Assemblée législative, Irma se rend en Europe pour se spécialiser en pédiatrie. La jeune femme a effectivement toujours été déterminée à soigner les enfants; les plus vieux ne l’intéressent pas. Au fond, elle souhaite s’occuper des enfants de la façon dont ses deux frangins décédés auraient mérité de se faire soigner.

Elle retourne au Québec après sa formation alors que les cas de mortalité infantile montent en flèche dans la province. La tuberculose faisant des ravages, Irma LeVasseur entreprend des démarches pour inaugurer un hôpital spécialement pour les enfants. Ayant impliqué quelques personnes dans son projet telles Justine Lacoste-Beaubien et les docteurs Raoul Masson et Séverin Lachapelle, ils fondent l’hôpital Sainte-Justine de Montréal. Irma démissionne toutefois du bureau médical quelques mois plus tard, exclue de la direction pour des raisons qui restent inconnues. Elle aura donc quitté l’institution dont elle était pratiquement l’instigatrice principale, sans aucune explication.

Pendant quelques années, Irma se consacre à la pratique médicale outre-frontières où elle soigne des victimes d’épidémies en Serbie, lors de la première guerre mondiale. Le Dr Albiny Paquette qui est à ses côtés lors de cette mission souligne le courage, l’énergie inépuisable et la détermination de la jeune femme, d’ailleurs la seule du groupe. Elle travaille ensuite pour un hôpital militaire en France, puis pour la Croix-Rouge dans les années 1918.

En 1922, Irma LeVasseur décide de revenir dans sa ville natale où elle inaugure l’Hôpital de l’Enfant Jésus, destiné aux enfants, en collaboration avec les docteurs René Fortier et Édouard Samson. Pour une deuxième fois, elle est écartée de l’administration de l’établissement en raison de conflits qui éclatent. Sans se laisser abattre par ces injustices, elle prend alors l’initiative de fonder l’Hôpital des Enfants malades qu’elle dirigera seule, pour enfin prendre la place qu’elle mérite.

Irma LeVasseur décède le 18 janvier 1964, sans mari ni enfants. Elle aura consacré toute sa vie à celle des autres mais ne recevra rien de plus qu’une célébration en son honneur organisée par le Cercle des femmes universitaires du Québec. Le 8 mars 2019, plus de 50 ans après sa mort, Irma est enfin désignée personnage historique, titre qu’elle mérite plus qu’énormément.

Simonne Monet-Chartrand (1919-1993)

Syndicaliste, activiste, pacifiste, féministe, conférencière, rédactrice, maman de 7 enfants, tous ces titres décrivent à merveille la femme qu’était Simonne Monet-Chartrand. Née le 4 novembre 1919 à Montréal, elle grandit dans une famille aisée de classe moyenne. À sa majorité, elle adhère à la jeunesse étudiante chrétienne puis devient présidente des conseils d’administration au niveau provincial. C’est également là qu’elle rencontre Michel Chartrand qui deviendra son mari en 1942 malgré la non-approbation de ses parents.

Toute jeune, Simonne remarque les inégalités entre filles et garçons, notamment dans les sports et les loisirs. Lorsqu’elle se joint à la cause du féminisme en 1939, entre autres pour lutter contre l’interdiction du droit de vote des femmes, elle parvient enfin à avoir un impact sur une cause qui la révolte depuis longtemps. Tout au long de sa vie, elle milite pour d’autres enjeux importants tels que les droits des travailleurs et des syndicats, les droits de la personne et le pacifisme. Simonne aime prendre action et avoir une influence positive sur la société. C’est pourquoi elle fonde, aux côtés de Thérèse Casgrain, la Fédération des femmes du Québec et l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia.

En plus de ses nombreuses apparitions à Radio-Canada en tant qu’intervenante et rédactrice, cette femme de convictions publie une grande quantité d’articles pour divers magazines. Elle tient à mettre des mots sur les injustices que subissent ses pairs au quotidien, ce qui explique la publication de plusieurs livres sur l’histoire des femmes, le sujet qui lui tient le plus à cœur.

Décédée le 18 janvier 1993 à Richelieu, Simonne Monet-Chartrand aura travaillé toute sa vie à faire évoluer les mentalités pour obtenir un Québec moderne où les femmes occupent la place qu’elles méritent. De nos jours, plusieurs lieux, rues et bâtiments portent son nom, comme notre chère salle Simonne qui honore ses actions !

Cet article ne représente pas la totalité des nombreuses féministes qui ont vécu et qui se sont battues au cours de l’histoire. Des centaines d’autres méritent notre attention : Madeleine Parent, Claire Kirkland-Casgrain, Elsie Reford, Isabelle Couc-Montour ou Léa Roback pour n’en citer que quelques unes.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages de référence

BARBEAU-LAVALETTE, Anaïs. Nos héroïnes, Montréal, Éditions Marchand De Feuilles, 2018, 87 p. (Bourgeon)

Internet

DESJARDINS. Dorimène Desjardins (1858-1932) (juin 2012), https://www.desjardins.com/a-propos/desjardins/qui-nous-sommes/notre-histoire-musee/dorimene-desjardins/index.jsp, page consultée le 10 décembre 2023.

L’ENCYCLOPÉDIE CANADIENNE. À la québécoise: portraits de femmes d’exception (7 mars 2019), https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/a-la-quebecoise-portraits-de-femmes-dexception, page consultée le 9 février 2023.

L’ENCYCLOPÉDIE CANADIENNE. Irma LeVasseur (17 mars 2022), https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/irma-le-vasseur, page consultée le 9 février 2023.

L’ENCYCLOPÉDIE CANADIENNE. Marie Gérin-Lajoie (4 mars 2015), https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/marie-gerin-lajoie-1, page consultée le 9 février 2023.

L’ENCYCLOPÉDIE Canadianencyclopedia.ca/fr/article/marie-gerin-lajoie-nee-lacoste#, page consultée le 9 février 2023.

L’ENCYCLOPÉDIE CANADIENNE. Simonne Monet-Chartrand (4 mars 2015), https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/simonne-monet-chartrand, page consultée le 9 février 2023.

WIKIPÉDIA. Simonne Monet-Chartrand (23 décembre 2022), https://fr.wikipedia.org/wiki/Simonne_Monet-Chartrand, page consultée le 9 février 2023.

Laisser un commentaire