Les journées, les matins, les après-midis et même les nuits passèrent sans que le courage et la volonté de nos valeureuses guerrières s’égarent comme une épine dans une botte de foin. La flamme de leur attachement pour le royaume était plus puissante que n’importe quel envahisseur! Pluie, soleil, orages et même avalanches de grenouilles poilues n’auraient pu calmer la rage des femmes occupant cette contrée si fragile. Jour et nuits, Alix organisait des rotations. Les mères protectrices d’enfants passent au front, celles au front prennent le rôle de leurs successeurs, les belles aux bois dormant qui reprenaient des forces prennent la place de nos impressionnantes guerrières qui ne laisseraient d’ailleurs rien arriver aux barricades de la citée. Ce royaume si pauvre en termes de monnaies, mais si riche au niveau de l’amour, de l’entraide, de l’authenticité, ce royaume rempli de bonté et de bonheur devait à tout prix être protégé. Si les hommes ne parvenaient pas à prendre le contrôle, les femmes pourraient enfin gouverner ensemble!
D’ailleurs, ces femmes qui, contrairement aux autres royaumes, ne furent jamais diminuées. Elles faisaient preuve d’une force et d’une détermination surprenante. Chaque mouvement, chaque coup de pied, chaque flèche lancée étaient précis, réfléchis et effectués avec une confiance intimidante, malgré leur manque de connaissance en lien avec le combat. Après 5 jours, grâce au talent insoupçonné de l’équipe d’Alix, à leur adaptation et à leur capacité d’apprentissage impressionnante, au loin, on pouvait apercevoir l’ennemi se retirer tranquillement. Eureka !!! Les femmes étaient parvenues à sauver leur comté des sales pattes des envahisseurs.
Euphorique, les courageuses guerrières ne souhaitaient qu’une chose: FESTOYER !!! Les festivités commencèrent malgré les hommes manquant à l’appel… Ce n’était quand même pas rien d’avoir vaincu deux envahisseurs sans même avoir de pratique! Chaque femme sortie tout son petit change pour se procurer tous les produits les plus dispendieux à l’occasion de cette grande fête qu’organisait la Mathilde, la sœur d’Alix. Femmes et enfants étaient convoqués à 18h00 au centre de la grande cour extérieure pour célébrer. Cette soirée-là, tous et toutes décidèrent d’oublier la possibilité que d’autres envahisseurs viennent à menacer le bonheur de MILLELIEUDEMOILOU. Ils oublièrent même l’inquiétude qui les rongeaient face au silence radio de leurs hommes partis au combat. Mille et une lanternes chinoises parcouraient la cour sud du château gothique qui surplombait MILLELIEUDEMOILOU. L’orange clémentine des nappes de soie , le vert peuplier des robes des femmes, mais surtout le rose pivoine qui recouvrait les joues de tous enveloppaient le village d’un aura de joie, un bonheur, superficiel bien sur vu la situation, mais qui parvenait toutefois à soulager les douloureuses craintes de la contrée.
Pendant que tous festoyaient, une jeune fille nommée Adélaïde âgée de 15 ans s’était échappée de la cour arrière pour se réfugier sous son chêne qu’elle appelait Le Mage. Cette jeune demoiselle douce comme la lavande, mais forte comme un Grizzli menait sa propre bataille: protéger son refuge des dégâts causés par cette violence qu’elle détestait tant. Complètement dépassée par les événements, la colère envahissait son petit cœur. Pourquoi festoyaient-on pour célébrer une victoire obtenue par la violence? Comme à son habitude, elle s’assit sous son chêne pour pleurer quelques instants. Les étoiles brillaient, le vent lui soufflait des berceuses tout en chatouillant son cou, orchestrant un spectacle de feuilles multicolores qui valsaient autour d’elle. Somnolant tranquillement, le son des absurdes festivités ne lui semblait qu’un écho lointain. Rien ne pouvait plus l’atteindre. En fait, c’est ce qu’elle croyait… Caché sur une branche, un jeune garçon, Laurent, également âgé de 15 ans, laissait pleuvoir ses larmes sur les soyeux cheveux roux d’Adélaïde. Lui aussi trouvait le conflit que son père avait déclenché complètement sans intérêts. Pourquoi vouloir envahir cette drôlesse de place alors que la forêt si vaste leur appartenait déjà? Lui aussi avait choisi ce chêne comme refuge. Depuis déjà plusieurs semaines, il s’installait sur la plus haute branche du Mage pour écouter la douce voix d’Adélaïde qui le faisait frémir, même plus que le gâteau au chocolat. Il adorait observer ses cils couvrir tranquillement de doux yeux bruns remplis de mystère puis sur ses petits points qui parsemaient son visage. Cette soirée-là, il fut dévasté par la douleur qui transperçait ses sublimes joues rosées, à un point tel que lui aussi la ressentait. Comment allait-il pouvoir réaliser la mission que son horrible père lui avait donnée? Non, il n’était pas question qu’il la prenne en otage. L’observant tomber dans les vapes, il descendit de l’arbre pour la recouvrir d’une peau de loup. Complètement ébloui par sa paisible beauté, il s’assit face à elle et l’admira. Dans le profond silence de la nuit, en sa compagnie, il ressentait une paix qu’il n’avait jamais ressentie auparavant.
Lui aussi avait maintenant sa propre bataille:
Arrêter tous les envahisseurs qui souhaitaient obtenir le contrôle de cette contrée. Pas pour être le héros de MILLELIEUXDEMOILOU, mais bien pour être son héros à elle, Adélaïde.
Perdue dans la beauté de son authenticité, le jeune et vaillant garçon allait s’endormir lorsque soudain, un bruit attira son attention. Au fond de la forêt, il aperçut la troupe de son père approchant. Il l’aperçut alors approcher les canons et BANG! Un énorme son puis, silence. Les cris jaillirent de tous bords tous côtés. Le combat avait repris. Adélaïde se réveilla en sursaut. Elle se mit à observer autour d’elle, encore toute endormie, le regard paniqué. Elle tenta de hurler, mais plus vite que le son, la main de Laurent était déjà positionnée sur sa jolie bouche. Il lui chuchota à l’oreille:
- Chut, ne vous inquiétez pas, vous n’avez pas à avoir peur, je suis là pour vous aider. Suivez- moi!
Sans même qu’elle ait le temps de réagir, il l’empoigna par la main et se dirigea tout droit vers le château.
Adélaïde, contrairement à ce que croyait le jeune homme, le connaissait depuis déjà trois semaines. Elle l’avait retrouvé assoupi sur la plus haute branche de l’arbre et était tombée follement amoureuse de lui dès le premier jour. Ses cheveux bruns, ses yeux bleus et sa bonté l’avaient immédiatement transpercée. Elle voulait non seulement protéger Mage, mais surtout Lui, son Roméo.
Ce n’était plus des feuilles qui valsaient au-dessus de leur tête mais bien des boules de feu. BANG! Une tomba à quelques mètres d’eux, ce qui les projeta dans les airs. Les cris, le flou et puis le noir tombèrent pour nos deux romantiques. Avant de s’endormir, dans les cris qui ne semblaient maintenant que des échos lointains, Adélaïde et Laurent soufflèrent en cœur.
- Tu n’as pas à avoir peur, je suis là….
À suivre…
Sam Tessier